Notre système solaire compte 8 planètes, et pourtant il devrait en compter une supplémentaire. Lors de l'accrétion du disque protosolaire, il y a plus de 4.5 milliards d'années, une planète n'a pas eu l'occasion de se former comme les autres. Cette planète avortée se situe entre Mars et Jupiter, et c'est justement sa trop grande proximité avec la puissante force d'attraction de la géante gazeuse qui aura eu raison de sa formation. Aujourd'hui, il ne reste toujours qu'un disque de matière non agrégée, dont le plus gros morceau possède aujourd'hui le statut de planète naine : Cérès. Ce disque s'appelle la ceinture d'astéroïdes ...
Lorsqu’on parle de ceinture dans le système solaire, le premier mot qui nous vient à l’esprit c’est : Kuiper. Il existe pourtant une autre ceinture, un vaste anneau constitué d’astéroïdes et non de comètes, situé entre Mars et Jupiter. Aussi, on surnomme parfois cette ceinture de trans-martienne …
La ceinture d’astéroïdes n’a pas été découverte en tant que telle, disons plus simplement qu’on cherchait autre chose à sa place …
C’est en 1596 que l'astronome allemand Johannes Kepler soulève le premier une hypothèse dans Mysterium Cosmographicum, en disant : « entre Jupiter et Mars, il y a une planète interposée. »
Deux siècles plus tard, en 1778, une formule mathématique définissant la distance entre les planètes et le Soleil est établie en tant que loi : la loi Titius-Bode. Elle montre elle aussi la présence d’une planète entre Mars et Jupiter, ce qui fait avancer les recherches des astronomes. La recherche s’intensifie trois ans plus tard grâce à l’engouement suscité par la découverte d’Uranus, des astronomes se réunissent en Allemagne au sein d’un groupe dit de la « police du ciel » (dont le but était la recherche de la planète manquante) et c’est le 1er Janvier 1801 que le père Giuseppe Piazzi de Palerme découvre quelque chose dans la constellation du Taureau, pensant d’abord à une comète.
L’allemand Gauss découvre lui que le corps a une orbite planétaire et qu’il se trouve à une distance relativement similaire à celle prévue par la loi Titius-Bode (2.8UA, soit 478.72 millions de kilomètres). Le premier astéroïde, et le plus connu à ce jour, est alors découvert et baptisé du nom de Cérès (déesse sicilienne du grain) par Piazzi. Loin de se douter de l’existence d’un anneau là où ils pensaient trouver une planète, les astronomes furent alors surpris de découvrir, dans les années qui suivirent, quatre autres astéroïdes sur la même orbite, nommés Pallas (1802), Junon (1804), Vesta (1807), Astrée (1845) … ainsi que des milliers d’autres, découverts au fil des siècles. Il est donc admis depuis longtemps qu’une ceinture d’astéroïdes sépare les planètes telluriques des planètes gazeuses.
Nous avons aujourd’hui répertorié quelques 20 000 objets dans la ceinture d’astéroïdes, 90 000 sont recensés mais non répertoriés, et on en découvre encore régulièrement (quelques dizaines tous les ans). On estime entre 1.1 et 1.9 millions d’astéroïdes de plus d’un kilomètre de diamètre dans cette ceinture large de 200 millions de kilomètres, autant dire qu’il en reste une grande quantité à découvrir … En effet, il y aurait plusieurs milliards d’astéroïdes, toute taille confondue, et leur nombre croit proportionnellement à leur petitesse : quand la taille diminue d’un facteur 10, le nombre augmente d’un facteur 100 !! Néanmoins, malgré leur nombre, chaque astéroïde dispose d’un « territoire » de plusieurs millions de kilomètres, ce qui limite considérablement les impacts, et leur masse totale est inférieure à celle de la Lune. D’ailleurs Cérès représente à lui seul 25% de la masse totale des astéroïdes, c’est le plus gros avec ses 933km.
Parmi ces millions de corps célestes qui orbitent autour du Soleil, certains peuvent parfois se décrocher de leur orbite et quitter la ceinture, du fait des perturbations solaires et planétaires, et évoluer sur des trajectoires susceptibles de croiser l’orbite terrestre. Nous en connaissons 300, nous les nommons géocroiseurs ou NEA (Near Earth Asteroids), mais rassurez-vous, ils sont surveillé de très près par des programmes automatisés.
On classe ces géocroiseurs en trois catégories, suivant le nombre de fois qu’ils croisent l’orbite de la Terre :
Périhélie compris entre 1.017 et 1.3UA. On en dénombre environ 250, découverts dans les années 1970 près de la Terre. Le premier de cette classe fut découvert en 1932 et nommé Amor (d’où le nom de la catégorie).
Demi-grand axe d’au moins 1UA, périhélie d’au moins 1.017UA. L’astéroïde Apollo a, lui aussi, été découvert en 1932. Il s’approche de nous jusqu’à 3.7 millions de kilomètres, soit ≈ 10 x la distance Terre / Lune. Cet astéroïde coupe par deux fois notre trajectoire au cours d’une révolution.
Demi-grand axe d’au moins 1UA, aphélie plus grand que 0.983UA. Toujours proches de l’orbite terrestre, il peuvent la traverser jusqu’à quatre fois par an, ils sont catalogués comme étant les plus à même de nous percuter. On en dénombre une vingtaine …
La Terre est d’ailleurs constamment percutée par des poussières et des petits blocs rocheux, c’est ce que nous appelons les étoiles filantes …
Parallèlement à ces géocroiseurs proches de la Terre, nous distinguons la ceinture principale : localisée entre Mars et Jupiter (entre 2UA et 4UA), elle est composée d’astéroïdes divisés en sous-groupes : Hungarias, Floras, Phocaea, Koronis, Eos, Themis, Cybeles, et Hildas. Ces groupes sont nommés en fonction de leur astéroïde principal.
Il existe enfin trois groupes appelés Troyens, Thulé et Hilda qui sont en résonance avec Jupiter, les Troyens étant situés non loin des points de Lagrange de Jupiter (60° devant et derrière, sur son orbite). Il y aurait aussi quelques astéroïdes situés aux points de Lagrange de Vénus, de Mars et de la Terre appelés Troyens ou Lagrangiens.
On trouve également une autre catégorie d’astéroïdes, situés dans le système solaire externe, entre Saturne et Uranus, ce sont les Centaures (ex : Chiron). D’autres, comme 5335 Damoclès ont des orbites variant de Mars à plus loin qu’Uranus, 5145 Pholus orbitant entre Saturne et Neptune. Cependant, vu leur éloignement, leur composition se rapproche sûrement plus des comètes de la ceinture de Kuiper que des astéroïdes de la ceinture principale … Par exemple, Chiron est maintenant classé parmi les comètes.
D’une manière plus générale, la classification des astéroïdes est matière à débat. On pense que certains satellites planétaires seraient plus justement classés parmi les astéroïdes capturés, tels Phobos et Deimos (satellites de Mars), les huit satellites les plus distants de Jupiter, Phoebe (Saturne), ainsi que certaines lunes d’Uranus et Neptune.
Quant à la ceinture proprement dite, elle n’est pas homogène, car l’influence gravitationnelle de Jupiter provoque des trous dans la ceinture, appelés « lacunes de Kirkwood ».
Il existe une deuxième façon de classer les astéroïdes : d’après leur composition chimique qui ressort de leur spectre, et leur aldébo. Il existe 3 grands types d’astéroïdes, ainsi qu’une douzaine de types rares :
Ils représentent la majorité des astéroïdes du système solaire (75%). Le pourcentage de ces types C est peut-être plus élevé, puisque les observations sont plus difficiles du fait du peu de luminosité de ces objets … Ce sont en effet des corps très sombres (aldébo 0.03) similaires aux météorites chondrites carbonées. Hormis l’hydrogène, l’hélium et les autres composés volatiles, ce sont des corps proches chimiquement du Soleil.
Regroupant 17% des astéroïdes, ils sont très brillant (aldébo 0.10 / 0.22), plus métalliques que les types C, composés de fer et de nickel métallique mélangé avec des silicates de fer et de magnésium.
Représentant presque les 8% restants, relativement brillants (aldébo 0.10 / 0.18), composés de nickel et de fer pur.
La douzaine d’autres rares représentent moins de 1%.
D’une manière générale, les objets les plus lumineux se trouvent fort logiquement dans la partie interne de la ceinture et les plus sombres dans Les régions externes.
D’où viennent les astéroïdes ? Deux hypothèses ressortent, mais une seule emporte l’adhésion :
La première dit que ces corps rocheux sont issus de l’explosion d’une planète qui aurait orbité entre Mars et Jupiter. Mais cette idée n’est plus acceptable depuis qu’on a calculé la masse totale des astéroïdes, qui est bien inférieure à celle de la Lune …
La deuxième hypothèse est la suivante : Lors de la formation du système solaire, la nébuleuse primitive s’est condensée, or dans le cas présent, l’influence de Jupiter aurait empêché l’accrétion de ces blocs rocheux, laissant flotter ces astéroïdes qui se seraient alors répartis tout autour du Soleil jusqu’à recouvrir leur orbite et former une ceinture. Cette théorie est appuyée par le fait que la ceinture possède des lacunes de Kirkwood, des trous dans la distribution des orbites au sein de la ceinture. Ces orbites vides sont ceux dont la périodicité est égale à une fraction simple de celle de Jupiter (la moitié, le tiers ou le quart, etc …). Par exemple, si la périodicité de l’orbite météoritique était de moitié de celle de Jupiter, alors tous les deux ans elles se retrouvent tous les deux dans des configurations identiques. Ce qui se passe alors c’est que la force gravitationnelle de Jupiter va agir avec la même force que les fois précédentes et dans la même direction, créant sur le long terme (il faut donc que les deux périodes soient précisément dans une fraction simple) ce qu’on appelle un phénomène de résonance. Pour être clair, la résonance c’est la répétition et l’accumulation d’effets identiques, qui engendre une déviation de trajectoire et un changement de période de l’objet.
Ce serait donc ce phénomène de résonance qui serait à l’origine de l’absence de cette quatrième planète tellurique …
Cela fait peu de temps que l’homme explore de près ces astéroïdes. En effet, étant donné leurs mouvements rapides, les sondes auraient eu du mal à s’en approcher.
C’est en 1991, le 29 octobre, que la sonde Galileo (alors en route pour Jupiter) s’approcha pour la première fois d’un astéroïde : Gaspra. La sonde s’approcha à 1 600km, suffisamment près pour établir ces dimensions de façon précise (20x12x11km), révélant des détails de 50 mètres.
Presque deux ans plus tard, le 28 août 1993, Galileo rencontra un second astéroïde, Ida. Se situant alors à 3UA, ils se sont croisés à 12.4km/s, séparés l’un de l’autre par 2400km. Cette rencontre a révélé quelque chose de très étonnant, la présence d’un satellite le survolant à 100km d’altitude, baptisé Dactyl.
Le 17 février 1996, à Cap Canaveral, la sonde NEAR ( pour « Near Earth Asteroid Rendez-vous ») décolla en direction de l’astéroïde Eros, le but étant de se satelliser afin de l’étudier sous toutes les coutures pendant une année. Elle survola au passage Mathilde à 1200km d’altitude. Après un premier échec en 1999, la sonde revint sur ses pas et se satellisa le 14 février 2000. La sonde se posa même le 12 février 2001, après s’être rapproché progressivement de la surface, cassant malheureusement la caméra lors de l’impact, mais pas les autres instruments de mesure. La sonde rapporta beaucoup d’informations sur l’astéroïde, comme sa taille : 33x13km, sa rotation : 5h16m, 160 000 images de sa surface, mettant en évidence des chaînes de cratères, des failles, etc …
A peu près à la même époque, la sonde Deep Space1 fut lancée en octobre 1998 vers l’astéroïde Braille, s’en approchant à 15km d’altitude seulement, prenant une foule de photos et de renseignements. La sonde Cassini-Huygens, en route pour Saturne, photographia quant à elle Masursky.
L’exploration des astéroïdes, si elle est récente, est en plein essor et c’est nécessaire : Il nous est indispensable de connaître les comportements et compositions de ces blocs rocheux, pour savoir comment réagir dans l’éventualité où l’un deux se déciderait à entrer en collision avec notre planète …