Io est le premier satellite galiléen de Jupiter. Ce satellite a été découvert en 1610 par Galilée, au moyen de la première lunette astronomique de l'histoire. Sa proximité avec la géante gazeuse fait de ce petit astre un monde très tourmenté, un volcan sans cesse en ébullition, véritable soufrière du système solaire ...
Io est le satellite le plus proche de la planète Jupiter, le premier des satellites dits galiléens. C’est en effet Galilée qui, en Janvier 1610, grâce à la lunette de sa fabrication, observa pour la première fois Jupiter et ses quatre satellites les plus brillants (Io, Europe, Ganymède, et Callisto). Le nom de Io n’a pas été trouvé par Galilée, mais par Simon Marius, qui affirmait avoir observer ces satellites avant Galilée, en novembre 1609.
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Si la postérité a gardé l’honneur de la découverte à Galilée, elle a en revanche gardé le nom de Simon Marius comme étant celui qui nomma les satellites. Galilée avait en effet donné des noms rendant hommage à la famille des Médicis, alors que Marius avait leur avait donné des noms relatifs à la mythologie gréco-romaine, ce qui était plus classique.
Dans la mythologie grecque, Io est donc la maîtresse de Zeus, persécutée par son épouse, dont elle avait été la prêtresse.
Pendant longtemps, Io resta pour les observateurs un petit point lumineux difficile à étudier, du fait de sa proximité avec Jupiter. On réussit dans un premier temps à calculer sa période orbitale : 42 heures. On constata également qu’elle était proche de notre Lune, en comparaison de sa taille et de sa densité, de sa composition rocheuse et de son absence de glaces (malgré son importante distance qui la sépare du Soleil).
Aujourd’hui on en sait bien plus sur Io et sur le système jovien en général grâce au lancement, en mars 1979, de la sonde Voyager1, suivie par Voyager2, et de la mission Galileo 15 ans plus tard. Voyager1 nous a apporté les premiers clichés détaillés de la surface de Io, qui est pleine de surprises. Io apparaissait alors comme un astre unique dans le système solaire : sur fond jaune ou orange, elle est en effet bariolée de cercles rouges, de longues courbes vertes ou brunes, de croissants bleus, de plaques blanches, le tout constellé de taches noires …
Io est situé à 421 600 kilomètres de Jupiter, ce qui est très proche compte tenu de la grosseur de la planète (pour comparaison la Lune est distante de 384 000 kilomètres de la Terre). On sait aujourd’hui avec précision qu’elle tourne autour de Jupiter en 42 heures et 27 minutes à la vitesse de 62280 km/h ; son orbite est incliné de seulement 0.04° par rapport à l’équateur de Jupiter, ce qui est très peu. L’excentricité de l’orbite est de 0.004, elle est donc très peu elliptique et quasiment circulaire.
Comparée à sa planète, Io semble très petite : Son diamètre est de 3680km, pour une masse de 8.93e22 kg. Elle est un peu plus massive que notre Lune, sa masse est de l’ordre de 1.21 (Lune = 1), et sa densité est de 3.55 (eau = 1).
Io est trop petite et donc trop peu massive pour retenir les gaz à sa surface, l’atmosphère très ténue qui y subsiste s’échappe donc du satellite mais elle maintient sa présence grâce aux incessants apports volcaniques. Cette atmosphère est en effet irrégulière, composée de monoxyde et dioxyde de soufre, de soufre moléculaire, de traces de sodium et de chlore (parfois combinés en chlorure de sodium : du sel !). La pression atmosphérique qui en découle est 1 milliard de fois plus faible que celle de la Terre.
Lorsque la sonde Voyager1 prit des clichés de la surface du satellite, celui-ci révéla toute sa splendeur et tout son intérêt. Sur le limbe de la sphère se dessinaient, sur fond de ciel noir, huit panaches gazeux expulsés de la surface. Quelques mois tard, Voyager2 en découvrait deux supplémentaires. Io n’est donc pas un astre froid et mort comme la Lune mais un monde géologiquement très actif !
L’extraordinaire palette de couleurs du satellite trouve en fait son explication dans ce rythme géologique effréné. Les cercles rouges, les traînées vertes ou bleues, les zones brunes ou blanches sont en fait des coulées de lave ou des dépôts de givre. Le tout coloré par le soufre qui est évacué par les entrailles de l’astre … Les tâches noires sont des calderas, sortes de dépressions se formant au sommet des volcans après l’éruption.
Io est un laboratoire de la chimie du soufre. Le soufre possède en effet l’étonnante propriété de pouvoir changer de couleur selon sa température : à 113°c il est jaune, à 150°c il devient orange, à 180°c il vire au rouge, et enfin à partir de 250°c il passe au noir.
Quant aux panaches gazeux observés par les sondes Voyager, ce sont en fait des nuages d’oxyde de soufre, expulsés en geysers et pouvant atteindre une vitesse de 1km/s tout en montant à plusieurs centaines de kilomètres d’altitude. Cette puissante montée des jets de soufre est possible en raison de la faible gravité à la surface (1.79m/s²) (la vitesse de libération est de 2.6km/s), de la très faible atmosphère et de l’inexistence de vent. Les jets s’envolent donc très haut et retombent en pluie, de façon symétrique, en forme d’ombrelle. Les volcans d’où ont été expulsées ces colonnes de gaz reçurent les noms de Pelé (1000km de diamètre), Prométhée (250km de diamètre), Loki (210km de diamètre), Amirani (200km de diamètre), Masubi (150km de diamètre).
Galileo a pris des clichés de la surface de Io la nuit, afin de se concentrer sur l’activité volcanique. Il est alors apparu que Io possédait les volcans les plus actifs de tout le système solaire et, étonnamment, ce sont les plus discrets qui sont les plus chauds. Ainsi, Loki irradie à lui tout seul 15% de la chaleur totale, ce qui est bien supérieur à la totalité des tous les volcans terrestres. Le deuxième point le plus chaud est situé sur le volcan Pillan, petit lui aussi. A l’inverse, Pelé, le plus grand volcan du satellite génère peu de chaleur.
Presque 20 ans après l’expédition de Voyager1, la sonde Galileo est venue de nouveau rendre visite à Jupiter et ses lunes. Compte tenu de l’environnement chaotique qui règne dans le voisinage de Io, les différents survols ont tous connus des problèmes techniques plus ou moins sérieux : pannes de caméras, dérèglements des ordinateurs, altération des images récoltées, annulations de certaines observations prévues, etc … Cette mission a néanmoins exploré, entre 1995 et 2002, en s’approchant très près de Io (180 km), plus de 200 calderas de plus de 20km de diamètre, plus d’une centaine de volcans et de nombreux points chauds sur la petite surface du satellite. La sonde a notamment mis à jour une gigantesque coulée de lave de 30km de long et de 1.5km de hauteur. Le climat sur Io est donc très chaotique et sulfureux … Si l’enfer existe, il y a des chances pour qu’il se trouve là-bas !
Pourtant, on s’interroge de suite sur l’origine d’un tel climat torturé. En effet, sa distance par rapport au Soleil devrait en faire un astre très froid à l’activité géologique réduite, comme la plupart des autres satellites du système solaire externe.
On pourrait pourtant comparer la fureur de Io à celle de Vénus, à la différence que l’enfer qui règne sur l’étoile du berger trouve son explication dans sa proximité par rapport au Soleil.
La raison est donc toute autre pour Io. Le fait est qu’elle orbite exagérément près de Jupiter, ce qui a pour conséquence d’exercer sur elle un très puissant effet de marée. Nous connaissons nous même l’effet de marée, pour le vivre au quotidien au sein de notre système Terre-Lune : La rotation de la Lune crée une attraction qui fait se mouvoir les océans terrestres, et occasionne un léger renflement sur la surface terrestre, et vice versa.
Pour le couple Jupiter-Io, l’effet de marée est démultiplié. D’une part à cause de la grosseur de Jupiter qui engendre une force d’attraction bien supérieure à celle de notre planète, et d’autre part à cause de la proximité relative de Io par rapport à sa planète.
En outre, il est important de préciser que Io subit un effet de marée multiple, car Europe, autre satellite de Jupiter orbitant plus haut que Io, entre en résonance avec Io : Si Io orbite en 42.5 heures, Europe orbite en 85 heures ; ainsi, quand Europe fait un tour, Io en fait deux. A chaque rencontre, les deux astres s’attirent et se déforment mutuellement. Ganymède interagit également avec Io et aggrave encore un peu plus les perturbations gravitationnelles du petit astre : Le trio est en résonance orbitale dans un rapport 4/2/1. Io présente toujours la même face à Jupiter, ils sont en rotation synchrone (comme la Terre et la Lune, ou Pluton et Charon).
Ce qui résulte de ces attirances gravitationnelles conjuguées, ce sont des déformations de plus de 100 mètres d’amplitude sur Io. Pour comparaison, l’effet de marée que provoquent la Lune et le Soleil sur la Terre ne déforme celle-ci que de quelques dizaines de centimètres …
Toutes les 42 heures, l’énergie déployée est de l’ordre de 1014 watts, soit 40 fois celle de la Terre, alors que le satellite est d’une taille comparable à la Lune.
Dans son orbite, Io traverse les lignes de la magnétosphère jovienne, créant de cette façon un courant électrique. Ce courant, bien que faible par rapport à l’énergie déployée par les effets de marée, représenterait tout de même la bagatelle d’1 trillion de watts. Le courant électrique est suffisamment puissant pour arracher à la surface une tonne d’atomes ionisés (sodium, souffre et oxygène) par seconde. Cette matière est capturée par le champ magnétique de Jupiter, ce qui forme entre la planète et son satellite un nuage de plasma qu’on appelle le tore. Ce tore rayonne puissamment dans le domaine ultraviolet et étend de façon exceptionnelle la magnétosphère de Jupiter. Toute cette matière, entraînée par le champ magnétique jusqu’aux pôles de Jupiter, crée des aurores polaires sur la surface jovienne.
La sonde Galileo a relevé des données nous permettant de penser que le petit satellite possède même son propre champ magnétique.
L’orbite très rapprochée de Io offre donc un environnement très perturbé et riche en radiations.
La structure interne de Io est quelque peu moins bien connue que sa surface. Mais les missions Voyager et Galileo ont toutefois permit de donner quelques éléments de réponse. Ainsi, on pense que, contrairement aux autres satellites des géantes gazeuses, Io (et peut-être aussi Europe) est principalement faite de roches de silicates en fusion. Io possèderait un noyau ferreux de 900km de rayon. Les 2/3 du magma proviendraient du manteau supérieur (de 100 à 200 km) et le tiers restant du manteau inférieur (plus de 1000 km).
Les couches internes de Io sont donc en perpétuel mouvement du fait des phénomènes de marée, tiraillées de toutes parts, et en perpétuelle fusion, ce qui engendre d’incessantes déchirures à la surface par lesquelles s’échappent de gigantesques éruptions volcaniques : en moyenne 10 000 tonnes de lave par seconde et par volcan.
Io est donc le monde le plus géologiquement actif du système solaire. Sa surface est constamment renouvelée, c’est pourquoi aucun cratère d’impact météoritique n’est visible, contrairement à tous ses congénères. Pourtant, compte tenu de la très faible atmosphère (pas d’effet de serre) et de la froideur extrême du vide interstellaire, la température moyenne en surface est de l’ordre de -150°c. Les volcans sont bien plus chauds, puisque la matière éjectée peut atteindre 100°c et les coulées de lave plus de 1500°c. On pensait d’ailleurs, à la suite des missions Voyager, que les coulées de lave remontant du manteau étaient composées de souffre liquéfié, il est pourtant plus probable, compte tenu de l’importante température de la lave, qu’il s’agisse de roches de silicate bouillantes.
Le quotidien sur Io est donc fait de gigantesques panaches de soufre qui retombent en averses de neige sur la surface, de lacs de laves bouillonnants au fond des calderas, de longs fleuves de magma en fusion sillonnant les plaines, changeant de vitesse et de couleur selon les circonstances … Des geysers explosant à la surface, lorsque les sulfureuses nappes phréatiques, remontant à la surface, viennent frapper les roches en fusion. Sur ce sol instable et imprévisible, des falaises entières s’effondrent sous leur propre poids, des montagnes s’écrasent et s’enfoncent dans le sous-sol. Sous ses allures de maison du Diable, Io a toutes les caractéristiques d’un astre primitif, et on pourrait le considérer comme une machine à remonter le temps et se faire ainsi une idée de ce qu’a connu la Terre dans sa prime jeunesse. Il a donc une place de choix dans notre intérêt toujours grandissant pour les mystères du système solaire …