Interview Hubert Reeves

 

SW 130/900 EQ2Celestron 70/700DOBSON 300mmMAK 127 Orion

Découverte de la première exoplanète tellurique : OGLE-2005-BLG-390Lb

Article rédigé en 2006
première exoplanète tellurique

L 'astronomie vit actuellement un âge d'or : La découverte depuis bientôt 15 ans de planètes orbitant autour d'autres soleils, les exoplanètes, a donné naissance à un véritable Eldorado pour les astronomes ! Plus de 300 mondes déjà répertoriés, et sûrement des milliards d'autres à découvrir ... Des planètes qui nous permettent d'en savoir plus sur nous-même et l'histoire de notre système solaire, et avec en objectif ultime de dénicher la perle rare : une planète semblable à la Terre, capable d'accueillir les conditions nécessaires à l'émergence de la vie ... 2005 aura été un cap important, avec la découverte de OGLE-2005-BLG-390Lb, la première exoplanète tellurique de l'histoire !

Parcourez notre gamme de posters sur les exoplanètes :

L'essor de l'exoplanètologie

Depuis la toute première découverte d’une planète extrasolaire autour de l’étoile 51 Pegasi en 1995 par deux astrophysiciens suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, le rêve était permis. La quête du Graal, pour les astronomes, est depuis le début de découvrir une Terre-bis … Et cela passe forcément par la découverte d’une planète tellurique, c'est-à-dire composée d’un noyau solide et d’un sol rocheux. Pendant les 10 années qui ont suivi, les astronomes se sont rués à l’assaut du ciel, observant minutieusement les étoiles une par une, afin de déceler le moindre signe de la présence d’une planète qui, invisible à nos yeux, peut ne pas l’être aux yeux de notre technologie !

Une diversité déconcertante

10 ans de découvertes fructueuses, plus de 170 planètes dévoilées et la toute première photographie d’une exoplanète, mais également 10 ans de découvertes déconcertantes …
Déconcertantes car toutes les planètes découvertes alors sont des géantes gazeuses, dont les caractéristiques tranchent singulièrement avec celles que nous connaissons, et comme souvent en astronomie, les découvertes soulèvent plus d’interrogations qu’elles n’apportent de réponses …
En effet, beaucoup de spécimens remettent en cause les modèles théoriques sur la formation des systèmes stellaires. Extraordinaire diversité des orbites, des distances, la nature dévoile une nouvelle fois son inventivité, comme pour nous montrer de quoi elle est capable et nous faire réaliser la préciosité de notre propre système solaire. Jusqu’au jour où, à force de tâtonnements et grâce à une nouvelle technique d’observation, des hommes ont réussi l’exploit de trouver l’aiguille dans la botte de foin ! Récit d’un succès annoncé …

Didier Queloz, Michel Mayor, Jean-philippe Beaulieu

Le projet PLANET

Depuis 2002, Jean-Philippe Beaulieu astrophysicien au CNRS, Institut d’Astrophysique de Paris, est responsable du projet nommé PLANET (Probing Lensing Anomalies NETwork), initié depuis plus de 10 ans et qui regroupe actuellement 32 astronomes provenant de 10 pays et utilisant 5 télescopes situés dans l’hémisphère sud.
Ce projet, issu d’une collaboration internationale, a pour but de scruter en continu le ciel d’été, mais pas n’importe où … PLANET surveille les « micro-lentilles gravitationnelles » que le réseau américano-polonais OGLE(Optical Gravitation Lensing Experiment), dirigé par Andrzej Udalski, aura au préalable détecté.

Les lentilles gravitationnelles

Arrêtons nous dès maintenant pour comprendre rapidement ce qu’est une lentille gravitationnelle. Il arrive en de rares occasions qu’une étoile passe exactement devant une autre, c’est-à-dire qu’elle se situe exactement sur la droite qui relie l’étoile d’arrière plan à l’observateur terrestre. Selon la théorie de la relativité générale, il se produit alors un effet de mirage gravitationnel (l’objet céleste de ce type le plus connu se nomme la Croix d’Einstein, en l’honneur du père fondateur de la théorie de la relativité) qui se traduit par la déviation des rayons lumineux de l’étoile d’arrière plan.
Il se forme alors un phénomène de lentille, qui amplifie donc la lumière de l’étoile située derrière. Ce phénomène se traduit pour les astrophysiciens par la formation d’une courbe en forme de cloche, qui normalement est régulière. Au fur et à mesure du mouvement de l’étoile de premier plan, la courbe croît, atteint un maximum, puis décroît. S’il arrive qu’une bosse altère la régularité de la courbe, alors c’est qu’un corps inconnu se situe dans les environs très proches de l’étoile d’avant plan !

microlentille gravitationnelle

Dans la pratique, OGLE prend des mesures de la luminosité d’environ 20 millions d’étoiles, situées dans le bulbe galactique, à chaque nuit qui passe ! Les informations recueillies sont envoyées tous les ¼ d’heure à l’IAP, où l’équipe de JP Beaulieu décrypte minutieusement les résultats afin d’y trouver l’anomalie qui trahira la présence d’un candidat au titre d’exo-planète.
Le mouvement des étoiles étant lent, la courbe en forme de cloche perdure pendant plusieurs jours ou semaines. Il est donc impératif de suivre des « yeux » l’étoile sans jamais détourner le regard ; ainsi, des télescopes répartis sur toute la planète (Chili, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande) se passent le relais afin « que le Soleil ne se lève jamais sur Planet » selon les termes de JP Beaulieu.
Cette méthode diffère donc de la méthode des « vitesses radiales » utilisée jusqu’alors, méthode permettant de déduire l’existence d’une planète des perturbations que cause leur gravité aux mouvements de leur étoile.

planet

OGLE-2005-BLG-390

C’est ainsi que le 11 Juillet 2005, le réseau OGLE EWS (Early Warning System) annonce la présence d’une lentille gravitationnelle nommée OGLE-2005-BLG-390 située dans le ciel austral, plus précisément dans la constellation du Sagittaire, afin que PLANET y pointe ses télescopes.

Un mois plus tard, Pascal Fouqué (Observatoire de Midi-Pyrénées) et Kristian Woller (Niels Bohr Institute, Danemark), au télescope Danois de 1.5m de l’Observatoire européen austral de La Silla (Chili), s’aperçoivent de la fameuse anomalie : La courbe, en pleine décroissance, repart soudainement à la hausse, formant une bosse !
Après avoir déclenché l’alerte, le télescope de Perth (Australie) prend le relais et précise la forme de la bosse pendant une dizaine d’heures. Le lendemain, la détection est confirmée par les équipes de OGLE et MOA (Microlensing Observations in Astrophysics, collaboration Nouvelle-Zélande / Japon) qui lancent une modélisation pour voir si la présence d’une planète pourrait expliquer cette déviation de la courbe.
Les informations sont là, il reste maintenant à les traduire, ce qui n’est pas une mince affaire. Trois astrophysiciens se chargent de dévoiler la masse de la planète et sa distance par rapport à l’étoile : Arnaud Cassan (France) (voir notre interview), Dave Bennett (USA) et Daniel Kubas (Allemagne) qui démontrent indépendamment et de façon formelle la présence d’une planète de faible masse. La nouvelle est donc confirmée, la première exo-planète tellurique de l’histoire vient d’être découverte. C’est également la troisième planète découverte avec cette méthode d’observation.

Observatoire de La Silla au Chili

La nouvelle a été publiée le 26 Janvier 2006 dans la revue scientifique Nature, par 73 astrophysiciens appartenant à 32 établissements de 12 pays (France, USA, Australie, Royaume-Uni, Danemark, Allemagne, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Chili, Autriche, Pologne, Japon).

courbe lentille gravitationnelle

Les caractéristiques de la planète OGLE-2005-BLG-390Lb

D’après la première étude de la planète et le portrait robot établi par Alain Lecavelier des Etangs et David Ehrenreich (IAP), de nombreux éléments ont déjà pu être mis en évidence. OGLE-2005-BLG-390Lb se situe à quelques 22 000 années lumière, dans le bulbe galactique, ce qui semble en faire une planète âgée (les étoiles sont en moyenne 2 fois plus vieilles au centre que celles situées dans les bras galactiques).
Elle orbite à environ 3 UA (Unités Astronomiques) de son étoile, soit plus ou moins 400 millions de kilomètres, en moyenne ; nous la placerions donc entre Mars et Jupiter dans notre système solaire. Sa période de révolution dure une dizaine d’années.
Cette planète est étonnamment froide : 53 Kelvin soit -220°C. Plus froide que ne laisserait supposer la distance qui la sépare de son étoile. L’explication est simple : l’étoile est, comme 80% des étoiles de notre galaxie, une naine rouge. C’est ainsi que celle-ci, n’ayant qu’une masse de 0.2 par rapport au Soleil, ne lui renvoie que le 1000ème de la chaleur que lui renverrait le Soleil. Cette étoile n’a qu’une magnitude 30, c’est dire la faiblesse de son éclat.
La masse de la planète est environ 5,5 fois celle de la Terre, ce qui en fait la plus légère de toutes les planètes découvertes jusqu’alors. A titre de comparaison, Uranus, la plus légère de nos planètes gazeuses, à une masse 15 fois supérieure à la Terre.
C’est cette faible masse qui détermine essentiellement son caractère tellurique. On suppose, compte tenu de sa masse, de sa distance et de sa température qu’elle doit être constituée de glace et de roches.
Elle est également très petite puisqu’elle ne fait qu’une fois et demie la taille de la Terre.

OGLE-2005-BLG-390Lb

Pour résumer, OGLE-2005-BLG-390Lb, planète petite, solide, froide et éloignée de son étoile est à l’opposé de tout ce qu’on connaissait auparavant et tranche singulièrement avec les quelques 170 autres exo-planètes découvertes depuis 10 ans. Celles-ci étant, dans l’écrasante majorité des cas, chaudes, massives, gazeuses et orbitant très près de leur étoile. Les Jupiters chauds détectés au début ne représentent actuellement qu'une très faible fraction des planètes détectées.
Ce qu’on peut en conclure, c’est que la méthode de détection dite de « micro-lentille gravitationnelle » est une méthode d’avenir, un progrès indéniable de la technique observationnelle, et nous donne de grands espoirs dans la recherche d’autres planètes telluriques extrasolaires.
Comme l’explique Jean-Philippe Beaulieu : « Nous savons que notre méthode est 40 fois plus sensible aux exo-planètes de la taille de Jupiter. Or nous venons d’en trouver une beaucoup plus petite au troisième coup. Cela peut signifier que leur handicap de taille est compensé par leur nombre, sans doute bien supérieur à celui des plus grosses ».

constellation du sagittaire

 






astroshop.eu Partager Suivez-nous sur Twitter ! ajouter aux favoris retour à l'accueil contact