Hubert Reeves

 

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10 questions à Frédéric Mallmann sur
la structure interne de Gj436b

 

10 questions à Frédéric Mallmann, responsable de l'Observatoire François-Xavier Bagnoud (Suisse), sur la découverte, en mai 2007, de la structure interne d'une exoplanète atypique : Gj436b. Cette planète est faite de glace d'eau chaude ! A une température de 300°c, cette eau est soumise à une pression telle qu'elle se solidifie ... Si la planète était connue depuis 2004, la mise à jour de la structure interne d'une exoplanète est une première ! Il aura fallu attendre un transit de la planète devant son étoile pour que cette minutieuse opération ai pu se rendre possible ... Un véritable exploit pour un observatoire amateur !

! Cet article est en attente de ses images, merci pour votre compréhension !

Propos recueillis en Juin 2007.

Sommaire

Frédéric Mallmann, vous êtes responsable de l’Observatoire François-Xavier Bagnoud de Saint-Luc, situé dans le Valais, en Suisse. En mai 2007, vous avez réussi l'exploit de mettre à jour la structure interne d'une exoplanète découverte en 2004 (GJ436b), révélant son composant principal : de la glace d'eau chaude - un état n'existant pas naturellement sur Terre : pour une exoplanète, c'est une première mondiale.

Quelle technique utilisée ?

1 /        Cette découverte est annoncée comme une première mondiale : Pouvez-vous nous expliquer quelle a été la méthode et l’instrument qui vous ont permis de réaliser cet exploit ?

Nous avons utilisé le télescope de 600mm de l'OFXB en configuration Newton, avec une caméra ccd Apogee (AP 47p), pour faire des mesures de photométrie d'ouverture. En gros, nous avons compté les photons qui provenaient de l'étoile GJ436, comparé cette quantité au flux des étoiles voisines dans le champ (c'est de la photométrie relative), en espérant voir une baisse significative de signal lors d'un éventuel transit (passage de la planète devant son étoile).

L'exploit d'un observatoire amateur

2 /            L’observatoire FXB est un lieu essentiellement dédié à la vulgarisation ainsi qu’au tourisme, et non à la recherche, comment avez-vous alors réussi là ou les « grosses pointures » ont échoué ?

La recherche n'est pas un objectif vital pour nous, c'est pourquoi nous avons pu prendre le risque de faire des observations sans garantie de résultat. En l'occurrence, il fallait 30 heures d'observation méticuleuse avec à peine 7% de chances qu'il y ait quelque chose d'intéressant à observer. Les observatoires géants ou spatiaux ne peuvent pas se permettre un tel ratio ! Or qui ne risque rien n'a rien...

Gj436b : Une planète connue depuis longtemps

3 /        Cette planète était pourtant connue des astronomes depuis plus de trois ans, pourquoi a-t-il fallu attendre tout ce temps pour connaître sa composition ?

Les découvreurs de cette planète avaient à priori exclu la possibilité d'un transit, donc personne ne s'est penché sur le problème depuis. Nous étions au contraire convaincus qu'un transit de faible amplitude restait possible et que nos mesures seraient assez précises pour le détecter. Or il fallait en effet être minutieux : la variation de signal à déceler est de 0,6% seulement. De plus le transit s'est révélé rasant, donc plus court qu'un transit habituel. Nos mesures systématiques toutes les 2 minutes ont été un atout déterminant.

Une collaboration internationale

4 /        Votre découverte est le fruit d’une collaboration avec un observatoire israélien et le télescope Euler de l’observatoire de l’université de Genève au Chili. Comment cela s’est-il passé et quel a été le rôle de chacun dans cette découverte ?

Les deux premières observations de transit ont été faites à Saint-Luc ; la mesure était à la limite de détection pour le premier passage (météo moyenne) et d'une forme qui nous semblait suspecte pour le deuxième. Nous avons demandé à l'Observatoire de Wise (Israël) d'essayer de confirmer. En raison de conditions météo changeantes, cela n'a confirmé que la sortie (egress) du transit, dont la réalité était alors devenue certaine. C'était suffisant pour alerter "Euler" qui a produit une courbe magnifique, expliquant par un transit rasant la forme "suspecte" de la courbe de Saint-Luc.

Les caractéristiques physiques de Gj436b

5 /            Revenons sur la planète en question. Quelles sont les caractéristiques que vous avez réussi à mettre en évidence ?

Grâce au transit et en tenant compte des mesures de vitesse radiale de 2004, on peut déterminer la masse de l'objet, et non plus seulement sa masse minimale. Sa taille peut aussi être évaluée en utilisant la "profondeur" (la différence de signal) du transit. Ainsi on a accès à sa densité. Cela en fait une planète très semblable à Neptune : une géante de glace.

De la glace d'eau chaude : Un état physique inédit sur Terre

6 /            L’existence de glace d’eau chaude peut être un état physique difficile à imaginer pour un terrien lambda. En effet, cet état n’existe pas à l’état naturel sur Terre, comment alors un tel phénomène est-il physiquement possible ?

La glace que nous connaissons sur Terre est peu dense car elle correspond à un agencement peu compact des molécules H2O, moins compact que dans l'eau liquide. C'est pourquoi chez nous, les glaçons flottent. Mais sous très haute pression, je parle ici de plus de 100 000 atmosphères terrestres, ces molécules sont contraintes à un empilement plus compact. Cette fois, les glaçons ainsi formés couleraient au fond d'un verre d'eau liquide ! Alors même à haute température, la pression énorme ne laisse pas le choix aux molécules : "restez groupées" est le mot d'ordre, ce qui donne donc de l'eau solide à plus de 300°C.

Surprise ou découverte attendue ?

7 /        Cette découverte révolutionne-t-elle nos connaissances en matière d’exoplanétologie, ou bien les astronomes s’attendaient-ils un jour à faire ce genre de découverte ?

On pensait bien mesurer un jour par transit des planètes qui ne soient pas des géantes gazeuses. De ce point de vue, nous avons juste devancé de quelques mois les satellites CoRoT et Kepler (du moins, on l'espère). Mais certains astronomes étaient persuadés qu'une exoplanète de type "neptune chaud" devait être un ancien "jupiter" qui aurait perdu de sa masse par évaporation en migrant vers son étoile. Dans le cas de GJ436b il n'en est rien, sa densité montre qu'il s'agit bien d'une planète de glace comme Uranus et Neptune.

L'âge d'or de l'exoplanétologie

8 /        En l’espace de 12 ans, on a découvert 220 exoplanètes. En ce début 2007, on a découvert une planète tellurique d’une taille approximative à celle de notre Terre, ce qui a provoqué un vif émoi, et aujourd’hui on découvre une planète faite de glace d’eau. Y a-t-il une réelle accélération des technologies et des compétences ? Pensez-vous que nous vivons-nous un âge d’or de l’Astronomie ?

Je pense qu'il y a eu plusieurs âges d'or de l'astronomie. Pensons à Galilée regardant pour la première fois les planètes avec une lunette. C'est un bond scientifique et émotionnel énorme ! Mais il est vrai qu'aujourd'hui nous sommes sur le point de pouvoir découvrir une "exo-Terre" et qui sait, d'évaluer la composition de son atmosphère. La quête de milliers de générations humaines est sur le point d'aboutir ! C'est excitant au possible. En même temps, en raison de diverses pollutions, nous sommes peut-être les dernières générations à voir un ciel étoilé, alors mon sentiment est partagé...

En trajectoire pour découvrir des planètes habitables

9 /            Pensons à l’avenir de l’exoplanétologie, croyez-vous que votre découverte constitue un pas important vers la détection de planètes semblables à la Terre ? Que vont retirer les astronomes et astrophysiciens de votre découverte ?

Sur la route qui mène des "Jupiter chauds" aux "exo-Terre" en zone habitable, nous venons de réaliser la moitié du chemin. Les astronomes vont à présent mobiliser les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer pour affiner les mesures et peut-être trouver la composition de l'atmosphère de GJ436b, qui reste le principal point d'interrogation à l'heure actuelle.

Quel avenir pour l'observatoire FX Bagnoud ?

10 /      Après avoir vécu une telle aventure, et une soudaine hausse de notoriété internationale, votre observatoire va-t-il maintenant reprendre ses activités d’avant ? Ou bien allez-vous désormais dédier quelques télescopes à la recherche ? Il y aura forcément un avant et un après GJ436b, comment voyez-vous donc l’avenir ?

L'accueil du public et la recherche ne sont pas incompatibles. Nous avons eu une affluence record cet hiver, ce qui ne nous a pas empêché d'obtenir ce beau résultat. Nous allons continuer dans le même esprit : offrir à tout un chacun la possibilité d'utiliser du matériel haut de gamme. Par contre il est clair qu'on nous considère différemment dans les milieux scientifiques à présent, nous sommes pris plus au sérieux. Enfin, pousser notre équipement dans ses derniers retranchements nous a montré les améliorations possibles pour l'avenir. Avec les progrès impressionnants du matériel dit "amateur", nous ne pouvons pas nous endormir sur nos lauriers !

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